Quelques tranches de vie

Pierre Elizaga (1776-1852) épouse Marie (Ursule ?) LJ, fille héritière de la maison Aldunbeherea (Sr). De leur mariage naîtront 15 enfants.
La maison Aldunbeherea, peinte par leur arrière petite-fille Hélène Elissague sous la signature Elizaga, servira en 1937 de décor au film « Ramuntcho » tourné avec André Dassary comme acteur principal et dont plusieurs autres acteurs furent aussi choisis localement.
-------
Pascal LJ, mon grand-père, épouse en novembre 1894 Catherine Hiribarren née à Bayonne, fille naturelle de feue Jeanne Hiribarren (née à Zugarramurdi et décédée par la suite en lieu inconnu, en Espagne semble-t-il d'après d'autres documents) ; née de père inconnu, Catherine n’avait pas été reconnue par sa mère !
De très nombreux enfants naissaient "illégitimes" pour être habituellement légitimés au moment du mariage. Mais cela se passait aussi parfois autrement.

Pascal sera maire de St Pée à la charnière des 19ème et 20ème siécles.


La contrebande locale, due à la présence de la frontière et aux différence existant entre les économies de la France et de l'Espagne, n'avait pas en ces temps-là, ni même jusque dans les années 1960 d'ailleurs, la connotation d'infamie que lui ont partout valu les trafics d'armes, de drogue, ..., qui ont suivi ces époques. Elle était même parée d'une aura de courage et de vaillance.
Car il en fallait pour, comme me l'a raconté M. qui plus tard avait été gendarme en B.N., une ou deux fois certaines semaines, après une longue journée de travail aux champs ou à la forêt, après avoir encore le soir trait ses vaches ou ses brebis, repartir avec une simple soupe et du pain dans le ventre pour parcourir de 20 à 30 km aller-retour, à 10 ou 15 en file, chargés, dans la nuit sans lune pour ne pas être vu, le plus rapidement possible mais discrètement pour ne pas être entendu car les douaniers étaient aussi dans les collines chaque nuit, traverser les rivières à gué, courir chargés dans les landes lorsqu'on était poursuivi, abandonner parfois sa charge pour ne pas être soi-même pris, ... et être à nouveau avec son bétail à la traite le matin à 7 heures, après avoir au mieux dormi 2 heures.
Sauf, et je m'en souviens moi-même, les noyés dans la Nivelle en crue, celui tué plus tard au dessus de Dantxarinea par le garde frontière retour d'Algérie, et combien d'autres sans doute...
Car il n'y avait pas d'argent dans les maisons, pas du tout d'argent, et là on pouvait en gagner un peu, ... mais à quel prix!
C'était le commun des jeunes hommes (et de quelques très rares jeunes femmes de caractère comme M. D-H senpertarra) de Sare, Ascain, St Pée, Ainhoa, ...

Ainsi, lorsque les douaniers de la brigade avertissaient mon grand père qu'il aurait à les accompagner, en tant qu'officier de police municipale, à une fouille dans une maison où ils soupçonnaient l'entreposage de produits de contrebande, il se dépêchait d'envoyer son domestique avertir les intéressés pour qu'ils puissent déplacer la marchandise à temps. Expérience racontée à mon père par B., contrebandier lui-même, dont le père avait été sauvé de la prison en cette circonstance.(B. dont j'ai gardé souvenir de l'avoir vu traverser la rue de StPée dans les années 1950 au volant d'un vieux camion chargé de paille en flammes, des flammes de 10 m de long derrière son camion, poursuivi à distance par la petite voiture fourgonnette des douaniers, et qui ne s'était arrêté dans la forêt, vers "Zaldi ferra", juste avant l'explosion de son réservoir, qu'après que toute la dentelle qu'il transportait sous la paille ait eu le temps de brûler.
Paille à laquelle il avait sans doute lui-même mis le feu quand il s'était vu accompagné par la douane.

De même, lorsque j’étais moi-même encore tout petit, à Ascain où je suis né, et donc après les années de la guerre de1940, nous habitions une maison séparée de sa voisine par un passage dallé, éclairée par une ampoule électrique. Cette allée permettait de rejoindre le pont roman d'Ur Ertsi qui menait vers les collines de Serres et Jaldai, en venant d'Olette, Ibardin et Berra.

Lorsque la lumière était oubliée allumée la nuit, ama était réveillée par un "Mayi! Hemen Xemartin (qui était son cousin), argia itzali" et tout le groupe des contrebandiers passait, sac au dos, dans la nuit retrouvée.
-------
Xemartin LJ (qui n'a rien à voir avec le précédant), 74 ans, de la maison Bourkia (Sr), décède le 24 novembre 1908 à 11h du matin à Haldungo erreka (acte de décès), derrière et au dessus de Hargainea, à deux pas de la chapelle San Anton.
Une belle croix mortuaire gravée, nom et date, plantée à même le sol couvert de fougères, au pied de deux chênes têtards séculaires, situe le lieu de l’événement.
Que s’est-il passé et que faisait-il dans les collines à plus de 1 km de chez lui : accident de fauchage des fougères, accident d’abattage de bois, accident de chasse, contrebande aussi, décés naturel, compte tenu de l’âge, en ramassant les champignons ?
Le locataire d’Argainea dont j’ai fait état plus haut m’a dit avoir toujours entendu que c’était « tipo bat » un homme qui avait été abattu par la police (un de plus !) pendant la guerre !
Alors, contrebande ? Pas à cette heure, ni à cet âge. Et en 1908 il n’y avait pas de guerre ! Mon interlocuteur qui avait souvent vu la croix n’y avait jamais pensé .
Ainsi naissent les vraies fausses rumeurs.
Mais aussi pourquoi cette croix ? L’événement a du être suffisamment remarquable ou surprenant. Et il a moins d’un siècle !
Quelques jours après en avoir parlé, Terexa qui travaille à la mairie (sr) m’a confirmé, car son frère le savait, que c’était "haitz kapetan" que la chûte d’une branche avait tué Xemartin.
La rumeur était bien fausse.
-------
Lorsque Joachine LJ et Jean Z. fêtent leurs noces d’or, elle s’adresse à son mari devant ses invités, avec émotion, pour dire qu’elle n’a que de la reconnaissance à lui exprimer pour la vie qu’il lui a faite, mais qu’elle regrettera encore et toujours d’avoir du perdre son nom à cette occasion.
-------

Une tranche de vie personnelle, souvenir de jeunesse des années 1950, en rapport (très indirect) avec les événements de 1343 : le château de Miots était face à la ferme Naza de Basusarri que Aita ( Pierre ) a géré pour le compte de sa cousine Matto et où j’allais, tout jeune, vers les 13 ans, avec le bus d’Elissondo, à 20 km de la maison, le jeudi jour de vacance scolaire, avec une petite remorque chargée de la nourriture fraîche qui lui permettrait de finir la semaine avec ses cinq ouvriers dont Gaxpart, Maxakre, Jean Dani,…, remorque parce qu’il me restait 2 bons km à faire à pied après le bus, et nourriture fraîche parce qu’ils étaient partis du lundi et ne rentraient que le samedi.
Aita me ramenait le soir au bus en tracteur avec le petit Farmall Cub.
Le bus d’Elissondo prenait des passagers sur les sièges à l’avant, une barrière en branche de noisetier, la même que dans les champs, empêchant les cochons et les veaux qui étaient chargés entre les sièges arrières de passer à l’avant. Les volailles étaient attachées sur le toit pour éviter qu’il y ait des plumes partout.
Séquence nostalgie. Nous étions en 1950, à l’aube des temps modernes ! Le bus roulait à 30 à l’heure.
Et donc, comme Naza vient de nasse et que les nasses pour la pêche étaient fixées entre les piles des ponts, celui de Proudines devait être devant Naza (qui n’existait sans doute pas à l’époque). On situe en effet le pont à 4 km de Bayonne et on en verrait les restes des piles à marée très basse.
Il est certain que la marée se manifeste fort à cet endroit

J’étais déguingandé à cet âge (1m70 pour 60 kg), ça s’est un peu arrangé par la suite (1m90 pour 105 kg), et je m’amusais à sauter les clôtures barbelées qui séparaient les laies de prairies, lesquelles étaient bordées de rigoles assez profondes en cette zone inondable très humides des barthes de la Nive. Un jour je me suis pris les pieds dans la clôture, mal reçu et luxé le coude droit.

De retour à la maison le soir, mon coude avait doublé de volume.

 Ama m’a envoyé chez Mari Handia qui portait bien son nom, laquelle m’a accompagné cueillir les racines de je ne sais plus quelle plante. Je les revois encore toutes blanches et grasses, au bord du petit ruisseau.

Ecrasées comme cueillies par moi-même et appliquées sous bandage sur l’enflure, elles ont fait merveille.

Un jour après mon coude était tout neuf et prêt à être luxé à nouveau.